Pour la première fois depuis 2006, un blocage à l'INSA Toulouse contre la réforme des retraites
Journée historique à l'INSA Toulouse : 200 étudiant.e.s, accompagné.e.s de personnels et de professeur.e.s, ont bloqué l'entrée de certains bâtiments de cours et axes routiers à l'INSA Toulouse. Une expérience d’alternative et de démocratie forte, dans un milieu académique dont on regrette le manque de politisation. Pour trouver un événement similaire dans cette école d'ingénieurs, il faut remonter jusqu'en 2006 et son mouvement social contre le CPE. On fait le point.
Une réforme impopulaire
Le texte, passé sans aucun vote à l'assemblée notamment grâce au 49.3, a suscité la colère de l'ensemble du corps syndical, et plus largement de la majorité de la population.
Le projet de loi rectificatif de la sécurité sociale, texte qui prévoit - entre autre - de porter l'age légal de la retraite de 62 à 64 ans, est largement contesté. Plus de 93% de la population active y est opposé, selon une étude de l'institut Montaigne (think tank libéral) relayée dans cet article du Parisien. À l'Assemblée Nationale, le texte ne disposait pas non plus d'une majorité, et n'a pas été soumis au vote des députés. Il a quand même été adopté à l'aide de l'article 49 alinéa 3 de la constitution, qui permet de faire passer un texte sans qu'il ne soit voté par les parlementaires.
Depuis le début de la réforme, et encore plus après l'utilisation du 49-3 jeudi dernier, la jeunesse, directement concernée, se mobilise en soutien aux travailleur.euse.s et pour défendre ses droits. Lors des plus fortes journées de mobilisation, les quelques 3 millions et demi de manifestant.e.s ont fait tomber le record de 2010. À Toulouse, l'UT2J (Mirail) et l'Institut d'Études Politiques sont bloquées ou occupées depuis deux semaines. Plus rare : depuis quelques jours, certains bâtiments de l'UT3 Paul Sabatier sont aussi bloqués.
Plus rare encore, ce jeudi 23 Mars, trois bâtiments principaux de l'INSA Toulouse étaient bloqués ou occupés : le STPI (bâtiment des amphis), le CSH et la salle d'examen.
Les élèves de l'INSA font la démonstration d'un blocus exemplaire
Tout au long de la journée, des ateliers se sont succédés au sein des bâtiments occupés pour débattre et échanger autour de la réforme et de la politisation des étudiant.e.s
À chaque moment de la mobilisation, les bloqueur.euse.s ont démontré ce qu'il était possible de faire, donnant un exemple de démocratie et d'inclusivité qui a fortement inspiré. Réuni.e.s au sein du collectif @insatenlutte, iels ont impressionné par son organisation, sa communication, et son animation.
Une organisation rassurante et inclusive
Deux jours avant le blocage déjà, des militant.e.s ont organisé un atelier de formation à la désobéissance civile non violente. Beaucoup des membres du collectif ont pu y assister, se préparant au mieux pour les actions à venir. Le jour du blocage, un brief a eu lieu à 6h30, et les étudiant.e.s se sont réparti.e.s dans les différentes équipes, parmi lesquelles on a pu retrouver:
- Les Anges Gardien.ne.s : chargé.e.s de veiller à ce que les bloqueur.euse.s se sentent bien tout au long de l'action. Équipé de bouteille d'eau, de chocolats et de mots doux, iels soutiennent les bloqueur.euse.s tout au long de l'action.
- Les Médics : étudiant.e.s formé.e.s au PSC1, qui travaillent avec les anges gardien.ne.s pour veiller au bon déroulement de l'action. Iels ont la possibilité d'arrêter le blocage à tout moment, si un danger est pressenti.
- Les Peace Keepers. Les PK sont chargé.e.s de faire redescendre la tension avec d'éventuelles personnes extérieures hostiles à l'action. D'après les étudiant.e.s contacté.e.s, les PK n'ont pas eu à faire face à des situations compliquées, et ont plutôt été occupé.e.s à expliquer l'action, attirant plus de 30 nouvelles têtes dans le mouvement.
- Les Contacts Admin/Police. Chargé.e.s du contact avec l'administration et/ou avec la police.
- Les Référent.e.s Logistique et Ateliers. Deux référent.e.s pour la logistique, et un.e pour chaque atelier.
- Les Médi'Activistes. Équipé.e.s d'appareils photo, ce sont elleux qui nous ont transmis les photos utilisées dans cette article, après floutage des visages.
Le reste des bloqueur.euse.s constitue le corps d'action, réparti sur les différents bâtiments.
De nombreuses Assemblée Générale ont été organisées, et de la facilitation a été mise en place, pour permettre à tout le monde de s'exprimer. Des délégations de l'UT3 et de l'IEP ont témoigné d'une AG "particulièrement inclusive et bien organisée". C'est cette organisation tout au long de la mobilisation qui permet un mouvement ouvert, inclusif et pertinent.
Une journée rythmé par de nombreux ateliers
Les étudiant.e.s de l'INSA ont mis en place de nombreux ateliers et événements pour dynamiser l'action et inviter au débat et à l'échange. Dès le matin, les élèves ont été accueilli.e.s avec un petit déjeuner partagé dans l'amphi Ambroise Croizat, renommé par le collectif en l'honneur du fondateur de la sécurité sociale.

Une safe zone a été mise en place, ainsi qu'un salle avec des jeux de société à disposition. Une projection de La Sociale, documentaire retraçant la création de la sécurité sociale, a été organisé en amphi Simone Veil (renommé lui aussi), suivie d'un débat.
Tout au long de la mobilisation, @insatenlutte communique sur Instagram
Là aussi exemplaire, le collectif publie sur Instagram toutes les décisions votées en AG. L'équipe de communication s'emploie aussi à sensibiliser sur certains aspects de la réforme, comme la charge qu'elle fait porter sur les femmes.
Vous pouvez retrouver le collectif et suivre la suite du mouvement sur Instagram : https://www.instagram.com/insatenlutte.
Une INSA survoltée en manif
À 14h, le journée a continué avec un départ commun pour le cortège étudiant
Réuni.e.s la veille en AG interfacs, les étudiant.e.s toulousain.e.s avaient voté la constitution d'un cortège étudiant unitaire et apartisan. Avec plus de 200 étudiant.e.s, l'INSA a mis l'ambiance dans la manifestation organisée par l'intersyndicale, qui a rassemblé près de 150 000 personnes.
Le collectif a ouvert une cagnotte en soutien à l'action et à la caisse de grève de l'INSA : cagnotte Lydia.
Elle permettra notamment de rembourser les dépenses faîtes pour l'action mais aussi de soutenir financièrement les salariés impactés par le blocus (enseignant.e.s, personnel.le.s, et alternant.e.s). Si vous ne pouvez pas donner, vous pouvez aider en en parlant, en partageant l'article. Si vous commentez, pensez à garder l'espace commentaire courtois et respectueux.
Ingénieur.e.s pour Demain est une association qui lutte pour la politisation des ingénieur.e.s, et pour la prise en compte des enjeux éthiques, sociétaux et environnementaux dans les formations et sur les campus.
Ingénieur.e.s pour Demain n'est pas liée au collectif @insatenlutte, mais souligne le grand pas en avant dans la politisation des étudiant.e.s ingénieur.e.s.